3.18 Mise en liberté provisoire par voie judiciaire
Guide du Service des poursuites pénales du Canada
Ligne directrice de la directrice émise en vertu de l’article 3(3)c) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales
Révisée le 20 juin 2024
Table des matières
- 1. Aperçu
- 2. Présomption d'innocence
- 3. Décision de s'opposer à la mise en liberté provisoire
- 4. Conditions de mise en liberté
- 4.1 Imposition des conditions les moins sévères dans les circonstances
- 4.2 Lignes directrices portant sur les conditions particulières de mise en liberté provisoire
- 4.3 Imposition de conditions en vue de protéger les victimes, les témoins et les personnes associées au système judiciaire
- 4.4 Mises en liberté avec caution
- 4.5 Cautionnements en espèces
- 4.6 La crise des opioïdes
- 5. Enquête sur cautionnement
- 6. Confiscation de cautionnement (ou exécution des garanties)
1. Aperçu
La décision des procureurs de s’opposer à la mise en liberté provisoire ou de consentir à la mise en liberté est une décision difficile et importante. L’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit être axé sur les motifs de détention prévus par la loi, décrits ci‐dessous :
- Le motif principal
- La détention est nécessaire pour assurer la présence du prévenu devant le tribunal.
- Le motif secondaire
- La détention est nécessaire pour la protection ou la sécurité du public, notamment celle des victimes ou des témoins, eu égard aux circonstances, y compris toute probabilité marquée que le prévenu, s’il est mis en liberté, commettra une infraction ou nuira à l’administration de la justice.
- Le motif tertiaire
- La détention est nécessaire pour ne pas miner la confiance envers l’administration de la justice.
Les motifs de détention doivent être pondérés avec le droit à la liberté de l’accusé, les répercussions que la détention peut avoir dans un cas particulier (par exemple, la perte d’emploi, la rupture des liens familiaux ou l’incitation à plaider coupable) et les facteurs systémiques qui peuvent avoir amené l’accusé à comparaître devant les tribunaux.
Il est important que les procureurs exercent leur pouvoir discrétionnaire en temps opportun. Le pouvoir discrétionnaire doit également être exercé avec objectivité, indépendance, équité et sans biais, préjugé ou animosité à l’égard de l’accusé. Les procureurs doivent prendre des mesures concrètes pour mettre de côté toute partialité lorsqu’ils évaluent les allégations et lorsqu’ils évaluent le caractère approprié d’une caution qui propose de surveiller l’accusé.
Les procureurs doivent appliquer le principe de la retenue. Codifié à l’article 493.1 du Code criminel, le principe de la retenue énonce ce qui suit :
Dans toute décision prise au titre de la présente partie, l’agent de la paix, le juge de paix ou le juge cherchent en premier lieu à mettre en liberté le prévenu à la première occasion raisonnable et aux conditions les moins sévères possibles dans les circonstances, notamment celles qu’il peut raisonnablement respecter, tout en tenant compte des motifs visés au paragraphe 498(1.1) ou 515(10), selon le cas.
Bien que les procureurs doivent sérieusement prendre en considération tous les facteurs pertinents dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, la protection des membres du public et des victimes mérite une attention particulière.
2. Présomption d'innocence
La présomption d’innocence est l’un des droits les plus fondamentaux en droit pénal canadien. Ce droit est enchâssé à l’alinéa 11e) de la Charte, lequel exige que la détention ne se produise que dans certains cas bien précis, à des fins précises, et que lorsqu’elle « s’impose pour favoriser le bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution »Note de bas de page 1. Il ne faut pas refuser d’accorder une mise en liberté « à des fins extérieures à ce système »Note de bas de page 2. Par exemple, les procureurs ne doivent jamais demander une détention dans le but de punir, de faire payer ou de réformerNote de bas de page 3.
La protection conférée par l’alinéa 11e) englobe deux éléments :
- le droit de ne pas être privé « sans juste cause » de la mise en liberté sous caution et
- le droit à un « cautionnement raisonnable » pour ce qui est des conditions imposées, dont la somme d’argent exigéeNote de bas de page 4.
On examinera ces deux concepts ci-après.
2.1 Droit de ne pas être privé sans juste cause de la mise en liberté provisoire
La Cour suprême a précisé à maintes reprises que le droit de ne pas être privé sans juste cause de la mise en liberté provisoire est un élément essentiel d’un système de justice pénale éclairéNote de bas de page 5. Ce principe consacre l’effet de la présomption d’innocence et garantit le droit à la liberté d’un prévenu.
On entend par « juste cause » les motifs prévus par la loi justifiant une détention avant procès au sens du paragraphe 515(10) du Code criminel ainsi que les dispositions prévoyant une inversion du fardeau de la preuve prévues au paragraphe 515(6).
Le paragraphe 515(10) du Code criminel établit les motifs pour lesquels la mise en liberté provisoire peut être refusée. Il incombe aux procureurs de justifier la détention selon la prépondérance des probabilités, à moins que l’infraction ne soit visée par une disposition prévoyant un renversement du fardeau de la preuve. En général, il y a juste cause pour refuser la mise en liberté lorsque la détention de l’accusé est nécessaire pour l’un des motifs prévus par la loi, énoncés précédemment et résumés de nouveau ci‐dessous :
- pour assurer sa présence au tribunal (« motif principal ») ;
- pour la protection ou la sécurité du public (« motif secondaire ») ; ou
- pour ne pas miner la confiance envers l’administration de la justice (« motif tertiaire »)Note de bas de page 6.
Les procureurs doivent examiner chacun de ces motifs avant de décider de consentir à la mise en liberté ou de demander la détention. Les trois motifs peuvent chacun justifier une ordonnance de détention. Il importe de souligner que le motif tertiaire n’est pas un motif résiduel applicable uniquement lorsque les motifs principal et secondaire ne sont pas satisfaits. Ce motif ne se limite pas non plus aux circonstances exceptionnelles. « Il s’agit d’un motif distinct permettant à lui seul d’ordonner la détention avant procès d’un accuséNote de bas de page 7. »
Selon le paragraphe 515(6) du Code criminel, il incombe au prévenu de justifier une mise en liberté avant procès si celui-ci est inculpé de certaines infractions ou si certaines conditions sont remplies. Étant donné que ce renversement du fardeau de la preuve équivaut à une présomption en faveur de la détention, il y a dérogation au droit fondamental à la mise en liberté provisoire que consacre l’alinéa 11e) de la CharteNote de bas de page 8. Dans ces cas, il existe une juste cause justifiant le refus de la mise en liberté lorsque l’accusé ne parvient pas à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que sa détention ne peut se justifier au regard des trois motifs de détention. Ces règles reflètent l’intention du législateur de faire en sorte de rendre la mise en liberté provisoire plus difficile à obtenir dans certaines circonstancesNote de bas de page 9.
2.2 Droit à un cautionnement raisonnable
Tout prévenu a droit à un cautionnement raisonnableNote de bas de page 10. On entend par cautionnement raisonnable les conditions de la mise en liberté provisoire, la somme d’argent exigée et les restrictions ou modalités imposées. Lorsque les procureurs cherchent à imposer des conditions à la mise en liberté, ils doivent prendre en considération deux principes : le principe de la retenue et le principe de la révision.
Le principe de la retenue exige de la part des procureurs qu’ils sollicitent uniquement des conditions qui soient :
- clairement énoncées ;
- les moins nombreuses possibles ;
- nécessaires ;
- raisonnables ;
- les moins sévères possibles dans les circonstances ;
- suffisamment liées aux risques que pose la personne prévenue au regard des motifs de détention prévus au paragraphe 515(10) du CodeNote de bas de page 11.
Les conditions de mise en liberté provisoire doivent être adaptées aux risques individuels que pose la personne accuséeNote de bas de page 12, répondre aux risques précis relativement aux motifs de détention et être imposées uniquement dans la mesure nécessaireNote de bas de page 13.
Le principe de la révision requiert que le ministère public « examine attentivement les conditions de mise en liberté sous caution à l’étape de la libération, peu importe que la mise en liberté sous caution fasse l’objet d’une contestation ou d’un consentement Note de bas de page 14 ». Ce qui signifie que les procureurs devraient considérer la nécessité de l’ensemble des conditions de mise en liberté provisoire, même celles que l’accusé a proposées ou auxquelles il a consenti. Les procureurs doivent également revoir les conditions de mise en liberté tout au long de la poursuite pour déterminer si elles sont toujours nécessaires.
L’objet des principes de la retenue et de la révision est de veiller à ce que le système de mise en liberté provisoire fonctionne de manière équitable pour tous. Lorsque ce système autorise l’imposition de conditions de mise en liberté qui ne sont pas nécessaires ou qui sont déraisonnables, les inégalités existantes dans le système de justice ont tendance à s’exacerber. Ceci est dû au fait que les membres des groupes surreprésentés et marginalisés sont assujettis de manière disproportionnée à ces conditions, et les chefs accusations pour violation des conditions de mise en liberté portées à leur encontre s’avèrent plus nombreusesNote de bas de page 15.
Pour en savoir plus sur les conditions de mise en liberté provisoire, voir la partie 4 de la présente ligne directrice.
3. Décision de s’opposer à la mise en liberté provisoire
Comme expliqué précédemment, le principe de la retenue exige que les procureurs sollicitent la forme la moins sévère de mise en liberté qui peut être appropriée dans les circonstances. Cela signifie qu’un plan de mise en liberté, assortie ou non de conditions, devrait être favorisé par rapport à la détention si le plan répond aux motifs de détention prévus par la loi.
Quel que soit le fardeau de la preuve, les procureurs ne doivent pas demander la détention dans les circonstances suivantes :
- Lorsque le critère pour intenter une poursuite n’a pas été satisfait. Pour plus de renseignements sur les facteurs à prendre en considération, consulter la ligne directrice 2.3 intitulée « La décision d’intenter des poursuites ». Si les procureurs établissent qu’il n’y a aucune perspective raisonnable de déclaration de culpabilité ou que la poursuite n’est pas dans l’intérêt public, le retrait des accusations ou l’arrêt des procédures s’impose.
- Lorsqu’une peine d’emprisonnement n’est pas appropriée, après avoir pris en compte tous les faits connus à ce moment-là.
- La durée de la peine potentielle est plus courte que la période de temps que l’accusé passerait en détention en attente du procès. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles liées aux motifs principaux ou secondaires que les procureurs peuvent demander la détention lorsque la peine est susceptible d’expirer avant le procès. Si la détention est ordonnée, les procureurs doivent examiner la situation régulièrement et avec diligence afin de déterminer si de nouvelles circonstances justifient la prise de mesures pour libérer le prévenu.
Lorsque l’accusé est inculpé d’une infraction contre l’administration de la justice, notamment un manquement à une ordonnance du tribunal, les procureurs doivent consulter les instructions particulières que l’on trouve dans la ligne directrice 2.3 intitulée « La décision d’intenter des poursuites ». Cette ligne directrice précise les cas dans lesquels les procureurs peuvent aller de l’avant avec des infractions contre l’administration de la justice. S’il est approprié de poursuivre, les procureurs doivent se référer à la ligne directrice 3.20 intitulée « Le régime des comparutions pour manquement » et déterminer s’ils devraient procéder avec une comparution pour manquement dans la mesure où ce type de comparution est offert dans leur juridiction. Les comparutions pour manquement doivent être sérieusement prises en considération lorsque l’infraction n’a pas causé à une victime de préjudice physique ou émotionnel, de dommages matériels ou de perte économiqueNote de bas de page 16.
Dans les cas mettant en cause un conjoint ou un partenaire intime, les procureurs doivent être conscients du risque potentiel accru de préjudice (notamment : physique, émotionnel ou psychologique) pour la victime. Les procureurs doivent demander une ordonnance de détention lorsqu’ils le jugent nécessaire pour la protection ou la sécurité de la victime ou du public. Pour en savoir plus sur cette question, consultez la ligne directrice 5.5. intitulée « La violence conjugale ».
3.1 Infractions pour lesquelles le ministère public doit s’acquitter du fardeau de la preuve
Lorsque le fardeau incombe au ministère public de justifier la détention, les procureurs ne peuvent pas s’opposer à une mise en liberté provisoire, sauf s’il existe une juste cause justifiant un refus de la mise en liberté au titre au moins un des trois motifs de détention.
Lorsqu’ils décident s’ils doivent demander la détention d’un prévenu pour une infraction à l’égard de laquelle le ministère public doit s’acquitter du fardeau de la preuve, les procureurs doivent reconnaître les répercussions qu’une ordonnance de détention aurait sur l’accusé. L’accès à la divulgation et aux services de soutien est limité en détention, et un prévenu détenu à l’étape de la mise en liberté peut se sentir contraint de plaider coupable. Les procureurs ne doivent pas prendre cette décision à la légère. La décision de demander la détention ne doit être prise que lorsque les procureurs ont des préoccupations importantes, fondées sur les circonstances du dossier particulier, quant à un ou plusieurs des trois motifs de détention.
3.2 Infractions comportant un renversement du fardeau de la preuve
Lorsqu’il incombe à l’accusé de s’acquitter du fardeau de la preuve, il existe alors une présomption en faveur de la détention. Les infractions comportant un renversement du fardeau de la preuve tiennent compte de la réalité du fait que les actes de violence répétés et les infractions graves perpétrés avec des armes à feu ou d’autres armes ont un effet préjudiciable sur les victimes et les communautés. Les infractions de cette nature nuisent à la sécurité publique et minent la confiance du public dans le système de justice pénale. Par conséquent, si les procureurs ont de véritables préoccupations au sujet de la sécurité publique compte tenu des renseignements dont ils disposent, et que ces préoccupations ne sont pas prises en compte dans le plan de mise en liberté proposé, l’accusé doit s’acquitter du fardeau de la preuve lors de l’audience sur la mise en liberté.
Il importe aussi de souligner que le principe de la retenue continue de s’appliquer lorsqu’une personne est inculpée d’une infraction comportant un renversement du fardeau de la preuve. Par conséquent, les procureurs ne doivent pas systématiquement demander à l’accusé de faire valoir des motifs justificatifs dans le cadre d’une audience sur la mise en liberté provisoire du fait qu’il est inculpé d’une infraction comportant un renversement du fardeau de la preuve.
Par souci de clarté, les dispositions prévoyant le renversement du fardeau de la preuve n’ont pas pour effet de refuser la mise en liberté à tous ceux inculpés de ces infractions, mais uniquement à ceux qui ne sont pas en mesure de démontrer que la détention ne se justifie pas au regard des motifs de détention. Par conséquent, les procureurs doivent examiner le plan de mise en liberté ainsi que tout autre renseignement pertinent fourni par l’accusé pour déterminer si le plan atténue les préoccupations compte tenu des motifs de détention prévus par la loi.
3.2.1 Dispositions prévoyant un renversement du fardeau de la preuve sous certaines conditions
Certaines infractions ne prévoient le renversement du fardeau de la preuve que lorsque certaines conditions sont remplies. Le sous-alinéa 515(6)b.1) prévoit que tout acte de violence perpétrée contre les partenaires intimes est considéré comme étant une infraction comportant un renversement du fardeau de la preuve si l’accusé a été auparavant condamné ou absous pour des infractions du même ordre. Le sous-alinéa 515(6)b.2) énonce que les infractions graves perpétrées à l’aide d’une arme sont considérées comme des infractions comportant un renversement du fardeau de la preuve si, dans les cinq années précédant la date de sa mise en accusation pour cette infraction, l’accusé a été condamné pour des infractions violentes spécifiquesNote de bas de page 17.
Les procureurs doivent accorder une attention particulière à l’existence de ces conditions lorsqu’ils décident ou non de s’opposer à la mise en liberté provisoire. Même si la décision de s’opposer à la mise en liberté doit toujours être prise compte tenu de l’ensemble des circonstances, si au moins une des conditions prévues au paragraphe 515(6) s’applique, les procureurs devraient généralement s’opposer à la mise en liberté provisoire.
3.2.2 Dispositions visant des infractions comportant un renversement du fardeau de la preuve
Le législateur a énuméré plusieurs infractions (notamment celles liées aux drogues et aux armes à feu) comportant un renversement du fardeau de la preuve au paragraphe 515(6) du Code.
Comme mentionné précédemment, les procureurs doivent tenir compte des circonstances entourant l’infraction, de la situation de l’accusé et du plan de mise en liberté proposé avant de demander à l’accusé de faire valoir des motifs justificatifs. Chaque cas doit être examiné individuellement. Par exemple, un prévenu qui aurait eu une participation minime dans un stratagème de trafic de drogue ou fait le trafic d’une petite quantité de drogue pourra s’acquitter plus facilement du fardeau qui lui incombeNote de bas de page 18.
C’est seulement après avoir pesé l’ensemble des renseignements pertinents que les procureurs doivent décider s’il convient de proposer une mise en liberté sur consentement.
3.3 Critères non pertinents
Dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, les procureurs ne doivent pas être influencés par l’une des considérations suivantes :
- S’opposer à la mise en liberté provisoire ou chercher à obtenir des conditions de mise en liberté pour accroître la probabilité que l’accusé plaide coupable, ou encore pour accélérer le processus judiciaire.
- Rendre une décision influencée par les préjugés ou la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation familiale, les caractéristiques génétiques, le handicap, la situation socio-économique ou encore l’affiliation politiqueNote de bas de page 19.
- S’opposer à la mise en liberté provisoire pour permettre à un service de police ou à un organisme d’enquête de compléter leur enquête. Pour obtenir des conseils portant sur les demandes d’ajournement lors d’une audience sur la mise en liberté provisoire, voir la section 5.1.1 ci-dessous.
- S’opposer à la mise en liberté sous caution pour prévenir toute nouvelle consommation de substances.
- Rendre une décision afin de faire progresser des objectifs personnels ou professionnels, ou ceux des organismes d’enquête ou de leurs membres.
3.4 Facteurs historiques et systémiques
Le SPPC s’est engagé à ne pas exacerber le problème de la surreprésentation des groupes historiquement marginalisés, notamment les accusés membres des Premières Nations, des Métis, des Inuits et de la communauté noireNote de bas de page 20. Les procureurs doivent être conscients du fait de la surreprésentation et s’informer au sujet des groupes surreprésentés spécifiques dans leur juridiction locale.
Demander la détention d’une personne qui fait partie d’un groupe marginalisé ou surreprésenté constituera une mesure exceptionnelle dans les cas où la preuve ne révèle pas de préoccupation sérieuse que la mise en liberté mettra en danger la sécurité du public ou d’une victime.
L’article 493.2 et le paragraphe 515(13.1) du Code criminel exigent qu’une attention particulière soit portée à la situation des prévenus des Premières Nations, des Métis et des Inuits qui sont plus susceptibles de se voir refuser une mise en liberté provisoire et qui sont surreprésentés dans la population en détention provisoireNote de bas de page 21.
Les procureurs doivent tenir compte de tous les renseignements disponibles sur les facteurs historiques ou systémiques qui ont joué un rôle concernant le casier judiciaire de l’accusé ou les accusations actuelles portées contre lui. Les procureurs doivent être prêts à recevoir des renseignements informels de la part de l’accusé sur ses antécédents, étant donné qu’un rapport Gladue formel ou une évaluation de l’impact de la race et de la culture formelle (ÉIRC) peut ne pas être disponible à l’étape de la mise en liberté provisoire. De tels renseignements informels pourraient comprendre un rapport Gladue ou l’ÉIRC qui a été utilisé par l’accusée dans une affaire précédente.
Des facteurs apparemment neutres qui pourraient autrement influer sur la décision de demander la détention doivent être examinés soigneusement. Le chômage, le manque de stabilité en matière de logement ou les cautions sans moyens importants peuvent simplement refléter les conditions socioéconomiques dans une communauté donnée. Ces facteurs ne sont pas pertinents pour l’évaluation du caractère convenable d’un plan de mise en liberté. Le fait qu’un accusé n’a pas accès à un logement, à des ressources, à des réseaux ou à des services de soutiens ne doit pas l’empêcher d’obtenir une mise en liberté provisoire s’il est autrement admissible à la mise en liberté, puisque ces systèmes de soutien ne sont pas disponibles à tous.
Les procureurs doivent soupeser soigneusement ces considérations lorsque la victime est également susceptible d’être membre d’un groupe surreprésenté en tant que victime de violence au Canada.
3.5 Consultation
Les procureurs doivent déployer des efforts raisonnables pour recueillir des renseignements pertinents auprès de l’accusé avant de décider s’il y a lieu de demander la détention ou d’admettre que l’accusé s’est acquitté de son fardeau. Les procureurs doivent être réceptifs à tout renseignement digne de foi ou crédible.
Au besoin, les procureurs devraient obtenir des renseignements d’une victime ou d’un témoin (par l’entremise des coordonnateurs des témoins de la Couronne) concernant toutes préoccupations liées à la sécurité susceptibles d’être soumises au tribunal. Ce point est particulièrement important dans des situations où la conduite alléguée sous-tendant les accusations peut impliquer une menace possible pour la victime ou le témoin.
Les renseignements fournis par les victimes et les témoins peuvent également contribuer à l’élaboration des conditions de mise en liberté nécessaires pour répondre au motif secondaire. Cela peut s’avérer déterminant dans les petites communautés ou des communautés éloignées, compte tenu du nombre limité de commodités publiques et de modalités de logement alternatif. Dans ces communautés, il faudra peut-être prévoir des conditions de mise en liberté provisoire plus explicites concernant la manière d’éviter tout risque d’interactions menaçantes.
Le paragraphe 515(12) prévoit que même si le prévenu est placé en détention, le juge peut rendre une ordonnance de non-communication à l’égard d’une victime, d’un témoin ou d’une autre personne identifiée dans l’ordonnance. Le paragraphe 515(13) prévoit que le juge doit verser au dossier une déclaration selon laquelle il a pris en considération la sécurité des victimes de l’infraction et de la collectivité dans sa décision.
Les procureurs doivent s’assurer que les victimes et les témoins sont informés du type de détention de l’accusé après l’audience de la mise en liberté sous caution. Le paragraphe 515(14) exige que le juge fournisse une copie de l’ordonnance à toute victime de l’infraction sur demande. Pour en savoir plus à cet égard, consulter la directive 5.6 intitulée « Les victimes d’actes criminels ».
Les procureurs doivent également communiquer avec les agents de police pour s’assurer que tous les renseignements pertinents pouvant influencer la décision de s’opposer ou non à la mise en liberté provisoire leur ont été communiqués. On s’attend également à ce que les procureurs consultent, dans la mesure du possible, l’organisme d’enquête concerné en ce qui a trait à la mise en liberté ou à la détention de l’accusé, plus particulièrement en ce qui concerne les préoccupations liées à la sécurité des victimes et des témoins. Dans tous les cas, la décision des procureurs en matière de mise en liberté doit être prise indépendamment des services de police.
4. Conditions de mise en liberté
Les accusations criminelles pour violation des conditions de mise en liberté provisoire sont courantes. De nombreux groupes historiquement marginalisés font l’objet d’une série d’accusations parce que des conditions de mise en liberté qui ne sont pas nécessaires leur sont imposées. Par conséquent, comme il est précisé à la partie 2.2 de la présente ligne directrice, les procureurs doivent veiller avec diligence à ce que les conditions soient adaptées aux risques précis que pose l’accusé compte tenu des motifs de détention énoncés au paragraphe 515(10) du Code Note de bas de page 22.
4.1 Imposition des conditions les moins sévères dans les circonstances
Les procureurs doivent tenir compte de la présomption d’innocence avant d’imposer une condition de mise en liberté provisoire, et ne chercher à obtenir que des conditions liées au but de la mise en liberté. Il faut éviter les conditions qui restreignent indûment ou déraisonnablement la liberté de l’accusé. Par exemple, un couvre-feu rigide peut nuire à l’emploi, aux réunions familiales et à la vie quotidienne. Les procureurs doivent tenir compte de tout impact qu’une condition peut avoir sur un accusé avant de la demander.
Les alinéas 515(2)a) à e) du Code criminel précisent les types de conditions de mise en liberté de plus en plus contraignantes pouvant être disponibles à l’accusé. Chacune des dispositions « prévoit pour l’accusé des conditions de mise en liberté plus contraignantes que celles énoncées par la disposition qui précède »Note de bas de page 23. Lorsqu’elles sont lues en combinaison avec le paragraphe 515(2.01), ces dispositions sont décrites comme enchâssant le principe de l’échelle. En vertu du paragraphe 515(2.01), un juge ne peut rendre une ordonnance imposant des formes plus sévères de mise en liberté que celles démontrées par le ministère public comme étant nécessaires.
Il importe de souligner que le principe de l’échelle ne s’applique pas aux situations dans lesquelles il y a un renversement du fardeau de la preuveNote de bas de page 24. Toutefois, l’accusé a tout de même droit à un cautionnement raisonnableNote de bas de page 25. Concrètement, cela signifie qu’il doit y avoir un lien suffisant entre les conditions imposées à l’accusé et des préoccupations liées au risque de fuite, à la sécurité publique ou à l’administration de la justice et que ces conditions ne peuvent pas être plus sévères que nécessaireNote de bas de page 26.
4.2 Lignes directrices portant sur les conditions particulières de mise en liberté provisoire
Les procureurs ne devraient pas chercher à imposer des conditions dont le prévenu éprouvera des difficultés à respecter, à moins que ces conditions soient nécessaires pour répondre aux motifs principal ou secondaire de la détention.
Les conditions suivantes ne devraient être demandées que si elles sont nécessaires pour protéger une victime ou les membres de la collectivité :
- Conditions d’abstinence et interdictions de posséder des accessoires servant à la consommation de drogues
Les personnes ayant un trouble lié à l’utilisation de substances ne bénéficieront pas de ces conditions, car elles préparent la personne à une accusation de violation de conditions subséquente. De plus, ces conditions d’abstinence ont tendance à toucher de façon disproportionnée les groupes marginalisésNote de bas de page 27. Comme l’indique l’article 4.4 de la présente ligne directrice, ces types de conditions peuvent également exacerber le risque de surdose après la mise en liberté de l’accusé.
Les procureurs doivent reconnaître l’impact de l’imposition de ces conditions et envisager d’autres options. Par exemple, afin d’assurer la sécurité des membres du public ou des victimes, il peut être approprié d’exiger qu’un prévenu n’ait aucun contact avec une victime ou ne se présente pas à un endroit alors qu’il est en état d’ébriété ou sous l’influence d’une substance désignée. En ce qui concerne les conditions de mise en liberté provisoires imposées aux participants du processus du tribunal de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances, les procureurs doivent consulter la ligne directrice 6.1 « Les tribunaux de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances ».
- Conditions favorisant la réadaptation
- Les conditions visant la réadaptation et/ou le traitement d’un délinquant (p. ex. « fréquenter l’école » ou « participer à des séances de counseling ») ou exigeant que l’accusé suive les règles d’un établissement de traitement sont inappropriées et ont tendance à avoir une incidence disproportionnée sur les accusés provenant de groupes marginalisésNote de bas de page 28. Ces conditions peuvent également créer des situations où les personnes accusées ne connaissent pas les règles qu’ils doivent suivre afin de satisfaire aux exigences de mise en liberté provisoires qui leur sont imposéesNote de bas de page 29.
- Conditions « zone rouge » ou « d’interdiction de territoire »
- De vastes restrictions en matière de déplacement risquent d’isoler les personnes des services essentiels ou de leurs systèmes de soutien. Elles devraient être évitées, dans la mesure du possibleNote de bas de page 30. Si les procureurs déterminent qu’une restriction en matière de déplacement est nécessaire pour protéger une victime ou les membres du public, la condition doit être soigneusement adaptée à l’infraction particulière et à un endroit particulier. Les procureurs doivent également s’assurer que la restriction n’a aucune incidence négative sur la capacité du prévenu d’avoir accès à des services, à du soutien ou à un emploi.
Les conditions suivantes doivent être évitées :
- Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite
- Cette condition donne forcément lieu au dépôt d’autres accusations qui ne sont pas nécessairesNote de bas de page 31. Bien que la condition peut être appropriée au regard des engagements de ne pas troubler l’ordre public et des ordonnances de probation, en raison de sa large portée, il y a une atteinte au principe de la retenue, sans compter le lien ténu avec les trois motifs pour refuser la mise en libertéNote de bas de page 32.
- Conditions ayant une incidence sur d’autres droits que garantit la Charte
- Les procureurs devraient éviter de demander des conditions qui assujettissent l’accusé à une norme inférieure en matière de fouilles et de perquisitions à celle qui serait autrement requise par la CharteNote de bas de page 33.
Il convient de répéter que les procureurs ne doivent jamais demander l’imposition des conditions dans le but de punir l’accusé ou encore de le réadapterNote de bas de page 34. Faire l’un ou l’autre n’est pas conforme à la présomption d’innocence.
4.3 Imposition de conditions en vue de protéger les victimes, les témoins et les personnes associées au système judiciaire
Si un accusé est remis en liberté, les procureurs doivent envisager certaines conditions qui garantiront la sécurité des victimes, des témoins ou des personnes associées au système judiciaire. Les paragraphes 515(4.2) et 515(4.3) prévoient la possibilité de rendre certaines ordonnances pour assurer la sécurité de toute personne incluant les victimes, les témoins ou les personnes associées au système judiciaire dans le cas d’une infraction mentionnée à ces paragraphes. Pour obtenir des conseils plus détaillés, consulter la partie 3.2 du Guide du SPPC intitulée « Mise en liberté provisoire » de la ligne directrice 5.5 intitulée « La violence conjugale » et la partie 4.4 intitulée « Enquête sur cautionnement » de la directive 5.6 intitulée « Les victimes d’actes criminels ».
4.4 Mises en liberté avec caution
Les procureurs ne doivent demander une mise en liberté avec caution que dans des circonstances exceptionnelles. Une mise en liberté avec caution est l’une des formes de mise en liberté les plus sévères et ne doit en aucun cas constituer l’option par défaut automatique ou encore le point de départNote de bas de page 35. En application du principe de l’échelle, les formes les moins sévères de mise en liberté précisées au paragraphe 515(2) doivent être prises en considération et rejetées avant de demander une mise en liberté avec cautionNote de bas de page 36.
Bon nombre d’accusés ne seront pas en mesure de trouver une cautionNote de bas de page 37. Même ceux qui peuvent trouver une caution y parviennent avec difficulté lorsqu’ils sont en détention. Ces situations peuvent prolonger l’incarcération ou empêcher la mise en liberté d’un accusé pour lequel aucune ordonnance de détention n’est requise. Par conséquent, si une caution est nécessaire, les procureurs ne devraient pas systématiquement exiger leur présence au tribunal.
Même si certaines juridictions ont leurs propres pratiques, la présence d’une caution au tribunal n’est pas une condition préalable à la mise en liberté. Pour bon nombre d’entre elles, le processus a des effets perturbateurs, car elles doivent parfois s’absenter du travail ou de l’école, ou encore ne peuvent s’acquitter d’autres responsabilités pour comparaître devant le tribunal. Les procureurs devraient considérer s’il vaut mieux d’envisager une option autre que le témoignage de la caution pour aider le tribunal à déterminer s’il est approprié de recourir à une caution et à une personne précise agissant en cette qualité.
Les procureurs devraient prendre les mesures appropriées pour s’assurer que la caution proposée convient et comprend son rôleNote de bas de page 38. Bien qu’il n’appartient pas au ministère public de fournir un avis juridique à la caution proposée, les procureurs peuvent considérer lui fournir des renseignements fournis par le gouvernement au sujet du rôle d’une caution.
La décision prise par les procureurs concernant le caractère approprié d’une caution doit être exempte de tout préjugé, conscient, inconscient ou institutionnel, et de tout stéréotype. Il est nécessaire d’être à la fois conscient de ces préjugés et de prendre activement les mesures qui s’imposent pour y remédier, afin de s’assurer que l’on parvient à des conclusions objectives et équitables. L’un des moyens de s’assurer que les décisions prises sont exemptes de préjugés est de fournir des justifications. Par conséquent, si les procureurs estiment que la caution proposée ne convient pas, les procureurs doivent également préciser au prévenu les motifs sous-tendant leur décision. Les procureurs devraient également préciser ce qu’ils considèrent comme étant une caution appropriée en l’espèce en vue de déterminer si une telle caution peut être mise à la disposition de l’accusé.
4.5 Cautionnements en espèces
Les cautionnements en espèces peuvent avoir pour effet de refuser la mise en liberté provisoire à ceux qui n’en ont pas les moyens. Elles peuvent également avoir pour effet de donner l’impression que les personnes disposant de moyens importants peuvent plus facilement se voir accorder une mise en liberté provisoire. Ces deux prémisses sont problématiquesNote de bas de page 39.
Le Code criminel permet un cautionnement en espèces dans tous les cas. Toutefois, lorsqu’un cautionnement en espèces est combiné à une caution, les alinéas 515(2)d) et e) ne permettent pas une telle ordonnance sauf si le prévenu ne réside pas ordinairement dans un rayon de 200 kilomètres du lieu de l’arrestation.
Malgré ces dispositions, les cautionnements en espèces sont déconseillés et ne devraient être utilisés que dans des cas exceptionnels. Dans tous les cas où les procureurs déterminent qu’un cautionnement en espèces est nécessaire, l’effet d’une telle ordonnance ne doit pas désavantager ceux qui ont des moyens financiers limités. Ces mêmes principes s'appliquent lorsqu'il est demandé au prévenu de s’engager à verser une somme d’argent pour garantir sa mise en liberté.
4.6 La crise des opioïdes
Le nombre de surdoses et de décès attribuables aux opioïdes constitue une urgence de santé publique dans de nombreuses juridictions. Les procureurs doivent tenir compte des conditions de mise en liberté provisoires susceptibles d’accroître la détention à court terme, contribuant ainsi au risque de surdose attribuable aux opioïdes. Le fait de placer en détention à court terme un accusé souffrant de troubles liés à l’utilisation de substances peut avoir pour effet de réduire leur tolérance à la consommation d’opioïdes et les exposer à un risque accru de surdose lors de sa remise en liberté.
Les procureurs doivent également être conscients des risques que court un prévenu souffrant d’un trouble lié à l’utilisation de substances lorsqu’il commence une période de détention, car l’absence d’accès aux substances peut avoir des effets négatifs sur la santé.
Pour éviter d’exacerber cette situation d’urgence en matière de santé publique, les procureurs ne doivent pas mettre le prévenu dans une situation où il est susceptible de violer les conditions de mise en liberté en raison de troubles liés à l’utilisation de substances. Ceci pourrait être le cas si les procureurs demandent des conditions d’abstinence ou des interdictions de posséder des accessoires servant à la consommation de drogue. Comme indiqué précédemment, les procureurs ne doivent pas demander des conditions de cette nature si l’accusé souffre de troubles liés à l’utilisation de substances. Si des conditions de cette nature ont été imposées, les procureurs doivent envisager de demander une modification des conditions de mise en liberté.
Il est possible, dans certains cas, de tirer une inférence que la personne souffre de troubles liés à l’utilisation de substances à partir des renseignements fournis par l’organisme d’enquête. Cette détermination peut aussi se fonder sur des informations fiables fournies par l’accusé.
Lorsque de telles conditions ont été imposées et que des chefs d’accusation pour manquement ou encore de nouvelles accusations sont proposées, les procureurs doivent s’efforcer de traiter les nouvelles accusations sans qu’il y ait détention à moins que des préoccupations concernant la sécurité publique le requièrent. Par exemple, les procureurs peuvent référer l’accusé vers un tribunal judiciaire de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances ou recourir aux comparutions pour manquement ou à d’autres mesures de rechange.
5. Enquête sur cautionnement
Lors de la préparation et de la conduite d’une audience sur la mise en liberté provisoire, les procureurs devraient garder à l’esprit les considérations suivantes.
5.1 Droit à la tenue d’une enquête sur cautionnement en temps opportun
Le droit à un cautionnement raisonnable comprend le droit à la tenue d’une enquête sur cautionnement en temps opportun. Si un détenu attend pendant une période déraisonnable la tenue d’une enquête sur cautionnement, il y a possiblement une atteinte à son droit à un cautionnement raisonnableNote de bas de page 40. Par conséquent, les procureurs doivent veiller à ce que l’enquête sur cautionnement se tienne de manière rapide et aussi efficace que possible.
Le Code criminel exige qu’une personne qui est arrêtée doive être traduite devant un juge dans les 24 heures suivant son arrestation, ou dès qu’il est raisonnablement possible de le faire. Les procureurs doivent veiller à ce que la comparution initiale ait lieu dans les 24 heures, et que si le prévenu souhaite tenir une enquête sur cautionnement, les procureurs sont prêts à procéder.
5.1.1 Demandes d’ajournement
En vertu du paragraphe 516(1) du Code criminel, les poursuivants peuvent demander un ajournement d’un maximum de trois jours. L’accusé doit consentir à un ajournement plus long.
Les procureurs ne doivent demander un ajournement que pour des motifs fondés sur la bonne foi et éclairés par l’exigence d’une analyse de la « juste cause » conformément à l’article 515 du Code criminelNote de bas de page 41. Lorsqu’il manque un renseignement clé ou qu’un événement clé est en cours, il est légitime de se demander si le prévenu peut nuire à l’enquête en détruisant des éléments de preuve, en subornant des témoins ou en nuisant autrement à l’administration de la justice s’il est mis en libertéNote de bas de page 42.
Les procureurs ne doivent jamais demander un ajournement pour des raisons de commodité administrative ou pour obtenir des éléments de preuve qui n’auront aucune incidence sur les questions relatives à la mise en liberté sous caution.
Si un ajournement est demandé, celui-ci doit être aussi bref que nécessaire. Les procureurs doivent également verser au dossier les motifs étayant une demande de cette nature.
5.1.2 Longues enquêtes sur cautionnement et délais
Les procureurs doivent tenir compte des délais inhérents qui peuvent survenir lorsqu’ils fixent de longues enquêtes sur le cautionnement. Par exemple, certaines juridictions pourraient exiger qu’une date soit fixée à l’avenir lorsqu’une audience sur la mise en liberté sous caution nécessitera une journée complète ou plus. Afin d’éviter les retards inutiles, les procureurs doivent examiner, en fonction des circonstances de l’infraction et du prévenu, s’il est possible de circonscrire les questions en litige et de réduire le temps nécessaire à la tenue de l’audience.
Par exemple, les procureurs peuvent demander des aveux sur des questions non controversées, limiter le nombre d’éléments de preuve présentés ou en révisant le synopsis pour en faire un résumé concis.
5.2 Preuve plausible ou digne de foi
En vertu de l’alinéa 518(1)e) du Code, un juge de paix instruisant une audience sur la mise en liberté provisoire peut recevoir toute preuve qu’il considère comme « plausible ou digne de foi »Note de bas de page 43. Selon la juridiction concernée, les procureurs peuvent lire à partir d’un synopsis ou présenter un témoin pour interrogatoire.
Dans tous les cas, les procureurs doivent veiller à ce que les éléments de preuve sur lesquels ils s’appuient pour prendre des décisions importantes en matière de mise en liberté, et toutes preuves présentées dans le cadre de l’enquête sur cautionnement, soient suffisamment plausibles et dignes de foi. Les procureurs ne doivent pas présenter des éléments de preuve dont ils savent qu’elles sont indisponibles ou non fiables.
5.3 Contre-interrogatoire des cautions
Les procureurs, en interrogeant une caution de manière respectueuse et vigoureuse, peuvent aider le tribunal à décider si la caution proposée peut répondre adéquatement à l’un des motifs de détention constituant un obstacle à la mise en liberté de l’accusé.
Avant de procéder au contre-interrogatoire, les procureurs doivent prendre des mesures afin de définir et d’écarter toute hypothèse fondée sur des stéréotypes ou des préjugés (conscients ou inconscients) concernant la caution ou la nature de la relation entre cette dernière et l’accusé. Les préjugés ou les stéréotypes ne doivent jamais entrer en ligne de compte pour décider du caractère adéquat d’une caution.
6. Confiscation de cautionnement (ou exécution des garanties)
Lorsqu’un prévenu ne respecte pas les conditions de mise en liberté sous caution, il (ou ses cautions) peut perdre l’argent donné en gage en vue de garantir sa mise en liberté. La partie XXV du Code criminel, « Effet et mise à exécution des promesses, ordonnances de mise en liberté et engagements », fournit le cadre juridique et procédural pour l’application des engagements, notamment la confiscationNote de bas de page 44. Le critère applicable dans le cadre d’une audience sur la confiscation n’est pas rigide. Le principe fondamental est de préserver [traduction] « la pression morale » ou [traduction] « l’effet du cautionnement » en vue d’assurer l’efficacité du système de mise en liberté sous cautionNote de bas de page 45.
En cas d’inobservation, les procureurs doivent décider d’intenter ou non des procédures en matière de confiscation. Ce n’est pas tous les manquements qui justifieront une confiscation. Par exemple, il peut s’avérer opportun de demander une exécution des garanties lorsque l’accusé s’est enfui ou demeure en liberté. Il peut également être approprié de demander l’exécution des garanties lorsque l’accusé ne comparaît pas à son procès.
Pour déterminer s’il convient d’intenter ou non des procédures de confiscation, les procureurs doivent prendre en considération les facteurs non exhaustifs suivants :
- la nécessité de protéger l’intégrité du système de justice;
- la gravité de l’accusation sous-jacente;
- la gravité du manquement;
- la diligence dont a fait preuve la caution concernant la supervision de l’accusé;
- le degré de faute de la caution eu égard au défaut de l’accusé de se conformer à l’ordonnance, incluant tous les efforts déployés par la caution pour rendre l’accusé;
- le changement concernant la situation financière de la caution;
- la question de savoir si la confiscation est possible compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, notamment la capacité de la caution de payer et les effets de la confiscation à son égardNote de bas de page 46.
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