6.1 Les tribunaux de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances
Guide du Service des poursuites pénales du Canada
Ligne directrice de la directrice donnée en vertu de l’article 3(3)(c) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales
Révisée le 2 janvier 2024
Table des matières
- 1. Aperçu
- 2. Programmes judiciaires de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances (PJT)
- 3. Critères d’admissibilité à un PJT
- 4. Décisions possibles
- 5. Réussite d’un PJT
- Annexe A ― Approbation du procureur général
1. Aperçu
Les programmes judiciaires de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances (PJT) sont des programmes de traitement sous supervision judiciaire permettant à ceux qui en sont atteints de trouver une véritable solution à leur utilisation de substances. Le programme de traitement offre un environnement non accusatoire soutenu par une équipe multidisciplinaire composée notamment de juges, de procureurs, d’avocats de la défense, de représentants d’organismes chargés de l’application de la loi, de membres d’organismes de services sociaux ainsi que de professionnels des services de soins de santé.
L’objectif des PJT est de réduire la probabilité que les participants commettent un acte criminel en relation avec leur dépendance, brisant ainsi le cycle de la récidive.
Les procureurs du SPPC jouent un rôle de gardien déterminant dans le processus décisionnel visant l’admissibilité d’une personne à un programme de cette nature. En plus de la question d’admissibilité, les procureurs formulent des recommandations sur l’approche à adopter concernant les participants tout dépendant à quelle étape des procédures les participants s’engagent dans un PJT. Une personne peut présenter une demande d’admissibilité à un PJT à n’importe quel moment au cours des procédures criminelles.
2. Programmes judiciaires de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances (PJT)
2.1 Nature des PJT
La structure et la conception des PJT varient à l’échelle nationale selon les besoins de la collectivité concernée et les ressources disponibles. Les composantes de chaque PJT peuvent varier d’une juridiction à l’autre. Il n’existe aucun modèle de programme universel. Chaque région, de concert avec l’ensemble des partenaires des PJT, détermine les caractéristiques de leurs PJT respectifs.
En règle générale, les PJT partagent une base commune qui comporte les éléments suivants :
- Un système réfléchi et individualisé d’évaluation de l’admissibilité dans le cadre duquel on évalue le lien entre le comportement criminel du participant et ses troubles liés à l’utilisation de substances. Cette évaluation tient également compte d’autres facteurs. Ceci inclut la volonté et la capacité du participant à déployer des efforts pour traiter leurs troubles liés à l’utilisation de substances et prévenir tout risque de récidive.
- Le tribunal demeure saisi des accusations portées contre le participant pendant une période suffisamment longue pour permettre la prestation du traitement.
- Une aide communautaire multidisciplinaire comprenant des soins de santé et des services sociaux.
- Des interventions appropriées et individualisées à chaque participant. Ces interventions visent à encourager les avancées et répondre aux revers. Les manquements délibérés peuvent mener au retrait du participant au PJT.
2.2 Approches en matière de traitement
En ce qui concerne les PJT, le SPPC est favorable à une approche préconisant l’abstinence de toute consommation de drogues comme but ultime. Toutefois, cet objectif pourrait ne pas toujours s’avérer être réaliste pour certains participants et être réalisable dans le cycle d’une poursuite. La mesure principale du succès du PJT est la capacité d’un participant à remédier aux facteurs sous-tendant leur dépendance afin de briser le cycle de la criminalité et de développer des comportements positifs envers eux-mêmes et les autres membres de la collectivité.
2.3 Principes de base
Avant qu’une personne inculpée d’une infraction criminelle ne soit prise en considération aux fins de la participation à un PJT, les procureurs doivent s’assurer que :
- Le critère de la décision d’intenter des poursuites est satisfaitNote de bas de page 1 ;
- L’accusé a reçu une divulgation de la preuve suffisante, à moins qu’il y ait eu une renonciation claire et éclairée ;
- Les accusations relèvent de la compétence du procureur général du Canada.
La Canadian Association of Drug Treatment Court Professionals a adopté une liste des principes directeurs reconnus à l’échelle nationale, notamment :
- Les PJT intègrent des services de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances au système judiciaire de gestion de dossiers.
- L’adoption d’une approche non accusatoire où les procureurs et les avocats de la défense font la promotion de la sécurité publique tout en protégeant les droits des participants en vertu de la Charte.
- Les participants admissibles sont identifiés et recommandés au PJT le plus rapidement possible.
- Les PJT offrent un accès à un éventail de traitements et de services de réhabilitation, dont ceux liés à la drogue et l’alcool.
- La conformité est surveillée de façon objective par l’entremise de tests de dépistage fréquents.
- Une stratégie coordonnée régit la réponse des PJT à la conformité ou la non-conformité des participants.
- Des sanctions ou récompenses rapides, certaines, et uniformes sont appliquées à la conformité ou la non-conformité.
- Les interactions judiciaires continues avec tout participant à un PJT sont essentielles.
- Les processus de surveillance et d’évaluation mesurent l’atteinte des résultats du programme et son efficacité.
- Une éducation interdisciplinaire continue favorise l’efficacité de la planification, de la mise en œuvre, et des opérations des PJT.
- La création de partenariats entre les tribunaux, les programmes de traitement et de réhabilitation, les agences publiques et les organismes communautaires favorise l’appui local et accroît l’efficacité du programme.
- Une gestion des dossiers continue offrant le soutien social requis pour accomplir une réinsertion sociale.
- Une flexibilité appropriée pour ajuster le contenu du programme, notamment les récompenses et sanctions, pour atteindre de meilleurs résultats avec des groupes particuliers comme les femmes, les personnes autochtones, et les personnes faisant partie d’une minorité ethniqueNote de bas de page 2.
Ces principes soulignent les différents rôles que les procureurs peuvent jouer lorsqu’ils sont impliqués dans un dossier soumis à un PJT.
2.4 Approbation à la participation à un PJT
Les PJT n’ont pas besoin d’obtenir une désignation officielle pour exercer des activités à ce titre. En vertu de l’art. 10(4)a) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS), un PJT doit être approuvé par le procureur général du Canada. Pour être approuvé, le PJT doit être conforme aux principes énumérés ci-dessous. Cette approbation peut être donnée par les procureurs fédéraux en chef (PFC) de la province, du territoire ou de la région concernés lorsqu’ils sont convaincus que le PJT est conforme aux principes pertinents et signent le formulaire figurant à l’Annexe A.
3.0 Critères d’admissibilité à un PJT
3.1 Principes généraux
Une demande d’admission à un PJT devrait uniquement être examinée s’il y a une preuve convaincante de la volonté et de la capacité des requérants à suivre un traitement. Le traitement doit être adapté aux besoins du requérant, à son comportement criminel et au potentiel de réduire le risque de récidive.
3.2 Considérations particulières
Les équipes interdisciplinaires des PJT comprennent des procureurs du SPPC. Ces derniers jouent un rôle important au sein de l’équipe en recommandant qu’une personne soit admise à un PJT. Les facteurs que les procureurs doivent considérer pour déterminer l’admissibilité à un programme comprennent notamment les facteurs suivants :
- L’infraction comporte un élément de violence ou soulève des questions de sécurité publiqueNote de bas de page 3.
- L’infraction implique la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
- Le casier judiciaire du participant, notamment s’il y a des antécédents de violence récents ou lourds. Si le participant a utilisé ou menacé d’utiliser une arme lors de la perpétration de l’infraction, cette dernière sera considérée comme un crime avec violence.
- L’infraction comporte une conduite qui pose un risque accru aux efforts d’une communauté à répondre aux troubles liés à l’utilisation de substances. Cette préoccupation est souvent présente dans les communautés de petite taille, isolées ou éloignées, ou les communautés des Premières Nations, métisses ou inuites.
Ces facteurs, qui visent à assurer une protection contre les risques liés à la sécurité publique, ne doivent pas faire obstacle à la participation à un PJT par des Autochtones ou des membres de groupes racialisés ou marginalisés qui sont surreprésentés dans le système de justice pénale. Il est également important de considérer les facteurs systémiques et historiquesNote de bas de page 4 ainsi que la situation personnelle des requérants pour déterminer s’il est possible d’atténuer les risques liés à la sécurité publique pour assurer un accès juste et équitable aux PJT.
Les procureurs doivent également tenir compte de la région dans laquelle le PJT exerce ses activités. Par exemple, les services médicaux et sociaux offerts dans une métropole peuvent s’avérer plus élaborés et standardisés que ceux d’une petite agglomération.
Les procureurs doivent obtenir l’approbation de leur procureur(e) fédéral(e) en chef ou procureur(e) fédéral(e) en chef adjoint(e) pour admettre un accusé à un PJT si l’infraction alléguée implique de la violence grave. Ceci comprend notamment des infractions alléguant l’utilisation d’une arme ou de la violence envers un partenaire intime. Des consultations préalables doivent aussi être menées avec les membres de l’équipe des PJT ainsi que ceux des organismes d’application de la loi concernés.
3.3 Les infractions liées à la LRCDAS
Dans les cas d’infractions en vertu de la LRCDAS, une personne présentant une demande d’admission à un PJT ne sera généralement pas admissible si :
- Il n’y a aucune preuve que la personne souffre de troubles liés à l’utilisation de substances ;
- La personne a été accusée d’avoir joué un rôle important dans le trafic organisé dans le but de faire des profits ;
- L’infraction liée à la drogue présentait un risque pour une jeune personne ;
- L’infraction implique une conduite qui enfreint les règles d’un milieu contrôlé, comme celles d’un établissement de détention, d’une prison ou d’un pénitencier ;
- L’infraction implique une conduite criminelle par un agent de la paix ou un fonctionnaire public en lien avec l’exercice de leurs fonctions, comme la corruption ou l’abus de confiance ;
- La personne est associée ou membre d’une organisation criminelle.
3.4 Nouvelle admission à un PJT
Une nouvelle admission à un PJT sera généralement préconisée pour tout candidat qui a déjà achevé un PJT avec succès et a fait une rechute qui a mené à de nouvelles accusations. Une nouvelle admission sera préconisée si les critères d’admissibilité sont satisfaits et qu’il n’y a aucune préoccupation en matière de sécurité publique. Les personnes qui ont déjà participé à un PJT et qui ont été expulsées au cours des douze derniers mois seront généralement admissibles si elles démontrent à l’équipe du PJT qu’elles méritent une nouvelle chance.
4. Décisions possibles
4.1 Plaidoyer de culpabilité
La reconnaissance de responsabilité, comme la volonté de plaider coupable à une ou plusieurs accusations, est un élément important de l’évaluation de l’admissibilité d’une personne à un PJT. Les articles 10(4) et 10(5) de la LRCDAS autorisent un tribunal à reporter la détermination de la peine si le contrevenant participe à un PJT approuvé par le procureur général ou participe à un programme de traitement approuvé par la provinceNote de bas de page 5.
4.2 Mesures de rechange
Dans certains cas, un accusé peut être admissible à un PJT sans qu’il lui soit nécessaire de plaider coupable à une ou plusieurs accusations. Comme indiqué à l’article 717(1)e) du Code criminel, un candidat qui demande de participer à un PJT à titre de mesure de rechange doit reconnaître sa responsabilité par rapport à l’acte ou l’omission qui est à l’origine de l’infraction qui lui a été imputée.
Le candidat sera inadmissible s’il nie toute participation à la perpétration de l’infraction reprochée ou manifeste son désir de voir déférer au tribunal, au sens traditionnel, toute accusation portée contre elleNote de bas de page 6.
Les principes généraux et les critères énoncés dans la directive du procureur général 3.8 du Guide du SPPC intitulée « Les mesures de rechange » s’appliquent lorsque le PJT est considéré comme une mesure de rechange à une poursuite. Plutôt que d’obtenir une condamnation, les personnes qui auront achevé le PJT avec succès pourront obtenir le retrait des accusations portées contre elles ou un arrêt des procédures.
Tous les participants à un PJT qui ne plaident pas coupables aux accusations portées contre eux devront renoncer à tout délai découlant de leur participation au programme. Le défaut de compléter le PJT devrait mener à une reprise de la poursuiteNote de bas de page 7. Si un participant est accusé d’une nouvelle infraction, les procureurs peuvent envisager de rétablir les accusations originales, de retirer le participant du PJT ou de continuer le PJT si les nouvelles accusations découlent également d’un trouble lié à l’utilisation de substances. Dans ce dernier cas, les circonstances entourant les nouvelles accusations doivent satisfaire toutes les conditions préalables requises pour permettre la participation continue au PJT.
4.3 Décisions à l’issue du procès
Une personne souffrant de troubles liés à l’utilisation de substances qui a été déclarée coupable à l’issue du procès peut quand même être prise en considération pour l’admission à un PJT si elle répond à l’ensemble des critères d’admissibilité et elle est disposée à renoncer à tout délai encouru du fait de sa participation au PJT.
5. Réussite d’un PJT
Les critères de réussite d’un PJT sont déterminés par l’équipe du PJT en fonction du participant particulier de même que des exigences et objectifs du programme.
Les critères suggérés comprennent notamment :
- L’accomplissement de résultats positifs, notamment si la personne est en mesure de gérer les troubles liés à l’utilisation des substances dont elle souffre et les comprend mieux.
- Une période prolongée pendant laquelle la personne n’a pas été déclarée coupable d’infraction(s).
- Des indicateurs de stabilité sociale comme avoir un domicile stable, participer de façon continue à des programmes de soutien communautaires, avoir un emploi, fréquenter une école ou participer à un travail bénévole.
Les personnes qui satisfont les critères d’un PJT et qui le complètent avec succès peuvent bénéficier de considérations particulières concernant l’issue de leurs accusations. Ceci peut comprendre le retrait d’accusations ou l’arrêt des procédures pour les personnes qui n’ont pas encore plaidé coupables, ou l’imposition d’une peine moins lourde pour celles qui ont plaidé coupables. La fourchette des peines pour les infractions les plus graves traitées dans le cadre d’un PJT peut inclure une condamnation avec sursis assortie d’une période de probation.
Dans tous les cas, les PJT ne sont pas tenus d’imposer la peine minimale obligatoire (PMO) assortie à l’infraction. Dans certains cas, il pourrait être approprié d’autoriser les participants à retirer leur plaidoyer de culpabilité et soit d’arrêter les procédures ou de retirer les accusations. Un tel scénario ne peut se produire que si les participants ont surpassé toutes les exigences du programme.
Les procureurs devraient, le cas échéant, consulter les membres de l’équipe du PJT pour les aider à déterminer leur position à l’égard de la peine à l’issue du PJT.
Annexe A ― Approbation du procureur général
L’article 10 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévoit notamment ce qui suit :
10(4) Le tribunal qui détermine la peine à infliger à une personne reconnue coupable d’une infraction prévue par la présente partie peut reporter la détermination de la peine :
- afin de permettre à la personne de participer à un programme judiciaire de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances approuvé par le procureur général;
- afin de permettre à la personne de participer à un programme conformément au paragraphe 720(2) du Code criminel.
10(5) Le tribunal n’est pas tenu d’infliger une peine minimale d’emprisonnement à la personne qui termine avec succès un programme visé au paragraphe (4).
J’approuve (nom du programme) comme étant un programme judiciaire de traitement troubles liés à l’utilisation de substances approuvé par le procureur général du Canada en vertu de l’alinéa 10(4)a) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette approbation est donnée en vertu des attributions que le procureur général du Canada a assignées à la directrice des poursuites pénales le 18 février 2019 (Attribution 5) et que la directrice a délégué aux procureurs fédéraux en chef dans la ligne directrice intitulée « Les tribunaux de traitement des troubles liés à l’utilisation de substances » émise en vertu du paragraphe 3(3)(c) de la Loi sur le Directeur des poursuites pénales, LC 2006, c 9, art 121.
Fait dans la ville de _______________, ______________, le ____ jour de ________________ 20____.
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Procureur fédéral en chef de la région de _____________
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