3.8 Les mesures de rechange

Guide du Service des poursuites pénales du Canada

Directive du procureur général donnée en vertu de l’article 10(2) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales

Révisé le 3 mars 2020

Table des matières

1. Introduction

Ce ne sont pas toutes les personnes auxquelles une infraction est imputée qui doivent faire l’objet d’une poursuite. Les mesures de rechangeNote de bas de page 1, qui ont été ajoutées au Code criminel en 1996 dans le cadre d’une réforme importante du droit criminelNote de bas de page 2, permettent aux adultes et aux organisations d’assumer la responsabilité pour les infractions commises dans certaines circonstances sans devoir passer par les procédures judiciaires.

Le principe fondamental qui sous-tend l’utilisation des mesures de rechange repose sur le recours à la procédure pénale avec modération, et uniquement lorsque d’autres mesures moins attentatoires ont échoué ou ne conviendraient pasNote de bas de page 3. Dans certains cas, vu la nature de l’infraction, la situation du contrevenant et les circonstances entourant la perpétration de l’infraction, un règlement hors des cadres conventionnels de la procédure judiciaire servirait mieux l’intérêt public.

1.1. Autorisation du procureur général du Canada

Aux termes de l’art. 717(1)a) du Code criminel, le procureur général du Canada autorise, par les présentes, les procureurs fédéraux à utiliser les mesures de rechange compatibles avec les principes et les critères de la présente directiveNote de bas de page 4.

Pour l’application de l’art. 717(1)a) du Code criminel, les mesures acceptables pouvant faire partie d’un programme de mesures de rechange autorisé par le procureur général du Canada peuvent comprendre des travaux communautaires, la restitution ou l’indemnisation en espèces ou en services, la médiation, le renvoi à des programmes spécialisés de consultation, de traitement ou d’éducation (par exemple, préparation à la vie active, traitement de l’alcoolisme ou des troubles liés à l'utilisation de substances, gestion de la colère), des renvois à un comité communautaire, un comité autochtone ou un comité de justice pour la jeunesse, des programmes de réconciliation entre la victime et le contrevenant et des mesures de justice réparatrice semblables, une lettre d’excuse ou un essai, et toute autre mesure qui est compatible avec les objectifs et les critères de la présente directive. Il est entendu qu’un procureur fédéral peut également renvoyer un contrevenant à une mesure de rechange appropriée qui fait partie d’un programme autorisé par une province ou un territoire conformément à l’art. 717(1)a). De plus, certaines lois fédérales prévoient expressément des mesures de rechange, comme il est expliqué à la note 7 et à la section 6 de la présente directive, qui porte sur les poursuites réglementaires.

1.2. Article 717 du Code criminel

L’article 717 du Code criminel reconnaît que lorsque cela n’est pas contraire à la protection de la société et que certaines conditions sont respectéesNote de bas de page 5, le procureur de la Couronne peut exercer son pouvoir discrétionnaire et avoir recours à des mesures autres que des procédures judiciaires et des poursuites traditionnelles à l’égard de personnes qui auraient commis des infractions. Le fait d’imposer de telles mesures à l’extérieur du système judiciaire traditionnel est communément appelé la « déjudiciarisation ». Comme il est indiqué à la section 1.1., un programme de mesures de rechange peut se composer de mesures acceptables qui peuvent varier selon les collectivités.

L’article 717 du Code criminel s’applique à toutes les infractions fédérales en application de l’art. 34(2) de la Loi d’interprétationNote de bas de page 6, sauf si la loi fédérale prévoit expressément le contraire. En fait, certaines lois fédérales prévoient expressément leur propre régime de mesures de rechange spécifiques, comme il en est discuté plus loin à la section 6 de la présente directiveNote de bas de page 7.

2. Énoncé de politique relative aux mesures de rechange à l’intention des adultes et des organisations

2.1. Principes généraux

Le procureur de la Couronne devrait adopter une approche de principe qui demeure cependant flexible lorsqu’il détermine si des mesures de rechange sont appropriées dans un cas donné. Règle générale, les mesures de rechange conviendront davantage aux contrevenants n’ayant pas de casier judiciaire, qui ont commis des infractions moins graves et qui ne sont pas susceptibles de récidiverNote de bas de page 8.

Par les mesures de rechange, on vise à susciter le sens des responsabilités chez le contrevenant ainsi que la reconnaissance des dommages causés, et à satisfaire aux objectifs importants suivants : la sécurité publique, la dissuasion, la dénonciation, la réadaptation et le dédommagement aux victimes et à la collectivité, sans passer par le processus judiciaire officiel. Le procureur de la Couronne devrait envisager d’avoir recours à des mesures de rechange lorsque le programme de mesures de rechange complété avec succès pourrait faire en sorte que les objectifs de la poursuite sont atteints.

La participation de l’accusé au programme de mesures de rechange est volontaire et requiert le consentement de l’accuséNote de bas de page 9. Si le contrevenant respecte les modalités de la mesure de rechange, la Couronne peut exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas le poursuivre pour l’infraction.

Le recours à des mesures de rechange peut se faire avant ou après le dépôt d’une accusationNote de bas de page 10. Cette directive s’applique généralement après qu’une accusation ait été déposée et après que le dossier ait été transmis au procureur de la Couronne, sauf dans les régions où il existe une procédure d’examen préalable à l’inculpation, où la directive s’applique avant et après le dépôt de l’accusation.

2.2. Conditions préalables prévues par la loi applicables aux mesures de rechange

Lorsque le procureur de la Couronne envisage la possibilité d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’avoir recours à des mesures de rechange, il doit être persuadé que les conditions préalables suivantes, prévues par la loi, ont été remplies :

Lorsque le procureur de la Couronne envisage d’avoir recours à des mesures de rechange, et que la loi fédérale ne prévoit pas son propre programme de mesures de rechange (par exemple, la Loi sur les espèces en périlNote de bas de page 13, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)Note de bas de page 14 et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA)Note de bas de page 15 ont toutes leur régime particulier), le procureur de la Couronne doit être convaincu que les conditions susmentionnées à l’art. 717 du Code criminel ont été respectées.

3. Lignes directrices pour l’application des mesures de rechange

3.1. La situation du contrevenant

Le procureur de la Couronne devrait tenir compte des facteurs suivants lorsqu’il évalue si le contrevenant pourrait faire l’objet de mesures de rechange :

3.2. La nature de l’infraction

Comme il est indiqué précédemment, cette directive vise les infractions de gravité moindre. Les facteurs suivants se rapportent à la détermination du degré de gravité de l’infraction :

Le procureur de la Couronne doit également vérifier si l’infraction est visée par des lois, des directives ou des lignes directrices qui pourraient avoir une incidence sur la décision d’avoir recours à des mesures de rechange. Voir, par exemple, d’autres lignes directrices du Guide du SPPC comme « 5.5 La violence conjugale », « 5.7 Les poursuites pour conduite avec facultés affaiblies : l’avis de demande d’une peine plus sévère », « 6.2 Les peines minimales obligatoires pour des infractions précises liées aux drogues en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances »Note de bas de page 17, « 6.3 Les restrictions législatives sur l’utilisation des peines avec sursis » et « 6.4 Les peines minimales obligatoires en vertu du Code criminel » et aussi, la directive du Guide du SPPC intitulée « 5.6 Les victimes d’actes criminels ».

3.3. Circonstances empêchant le recours aux mesures de rechange

La présence des circonstances suivantes empêchera habituellement le recours aux mesures de rechange :

Après avoir tenu compte des principes susmentionnés, si le procureur de la Couronne conclut néanmoins que des circonstances exceptionnelles font en sorte que les mesures de rechange seraient dans l’intérêt public, ou qu’il juge que l’affaire est un cas limite, il doit consulter le procureur fédéral en chef, ou son représentant, avant de prendre une décision.

4. Procédure à privilégier et réussite du programme de mesures de rechange

La procédure à privilégier, dans ces cas, est de déterminer le plus tôt possible si les mesures de rechange seraient appropriées, en plus de répondre à toute proposition de l’avocat de la défense.

Lorsque le procureur de la Couronne a décidé d’avoir recours aux mesures de rechange, les dates d’audience doivent être fixées pour le suivi des progrès du contrevenant et de la réussite du programme des mesures de rechange. Les accusations devraient être retirées à la suite de la réussite du programme des mesures de rechange, à la satisfaction de la Couronne. Le procureur de la Couronne devrait encourager la cour à inscrire sur la dénonciation que les accusations ont été retirées en raison des mesures de rechange. Le dossier de la Couronne, y compris le dossier électronique, doivent être documentés en conséquence. Si les accusations n’ont pas été déposées avant que le contrevenant fasse l’objet de mesures de rechange, une poursuite devrait être intentée si le programme de mesures de rechange n’a pas été terminé à la satisfaction de la Couronne.

5. Défaut de compléter le programme de mesures de rechange

Si le contrevenant ne complète pas le programme de mesures de rechange, une poursuite pénale devrait normalement être intentée. Toutefois, avant de le faire, le procureur de la Couronne devrait vérifier pourquoi le programme n’a pas été complété et évaluer s’il pourrait l’être. Le procureur de la Couronne devrait évaluer, à la lumière de ces faits, s’il convient d’intenter une poursuite; il est possible que des circonstances exceptionnelles existent et rendent injuste la poursuite contre le contrevenant.

6. Poursuites réglementaires

Les mesures de rechange ne s’appliquent pas qu’aux infractions prévues dans le Code criminel ou dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Comme il a été mentionné plus tôt, d’autres lois fédérales, comme la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) et la Loi sur les espèces en péril, contiennent des dispositions expresses concernant le recours aux mesures de rechangeNote de bas de page 20. De plus, dans les cas où la loi réglementaire ne prévoit pas expressément de mesures de rechange, l’art. 717 du Code criminel s’applique en raison de la Loi d’interprétation, qui prévoit l’application générale des dispositions du Code criminel à d’autres lois fédérales, sauf indication contraire dans la loiNote de bas de page 21. Dans ces circonstances, on peut avoir recours aux mesures de rechange conformément à l’art. 717 du Code criminel et à la présente directive.

Dans les secteurs très réglementés, notamment ceux liés à la santé et la sécurité humaines, la salubrité alimentaire, la santé et la sécurité au travail, l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles, le procureur de la Couronne doit consulter l’organisme concerné afin de prendre en considération les objectifs de l’organisme et ses politiques pertinentes en matière de conformité.

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