Note de service - COVID 19 : Orientations quant au cautionnement et au règlement de dossiers

Objectif

Cette note de service fournit des orientations de principeNote de bas de page 1 utiles à la prise de positions concernant les négociations sur le cautionnement et la peine, en tenant compte des nécessités opérationnelles et des effets anticipés de la pandémie COVID-19 sur l'administration de la justice. Ces orientations ne modifient pas les principes fondamentaux régissant la mise en liberté provisoire ou la détermination de la peine. Elles reflètent des circonstances exceptionnelles qui exigent une réponse à des circonstances particulières extraordinaires.

Cette note traite de deux points spécifiques à la COVID-19 :

  1. La réduction, dans la mesure du possible et fondée sur des principes, de la population carcérale pendant la période pandémiqueNote de bas de page 2; et
  2. La réduction du nombre de dossiers non traités durant le ralentissement des tribunaux, afin que les affaires prioritaires soient poursuivies efficacement lors de la reprise complète des activités judiciaires.

Les procureurs devraient tenir compte des éléments suivants dans la disposition des dossiers en instance. Les procureurs fédéraux en chef pourront fournir des orientations spécifiques supplémentaires aux procureurs de leur région.

Contexte

Le public, y compris les victimes d'actes criminels, s'attend à ce que les décisions relatives à la mise en liberté provisoire, à l'incarcération et aux offres de règlement se fassent d'une manière fondée sur des principes tenant compte de deux réalités :

  1. les effets de la pandémie et
  2. la primauté du droit, même en temps de pandémie.

Les effets de la pandémie sont multiples.  La santé des détenus est potentiellement à risque.  La santé du personnel pénitentiaire également, en raison de contacts avec les détenus, notamment lors de déplacements pour les comparutions par vidéo ou par téléphone. Les familles peuvent aussi souffrir de l’absence des détenus qui pourraient les aider à faire face aux responsabilités familiales supplémentaires lors la pandémie.

Par ailleurs, les procureurs doivent répondre des intérêts sociétaux reflétés dans les motifs primaires, secondaires et tertiaires de détention provisoire, et dans les principes de détermination de la peine relatifs à la sécurité publique et à la justice réparatrice reflétées par la dissuasion spécifique et générale, la réhabilitation et la dénonciation.

Principes généraux pour le cautionnement et la détermination de la peine

Dans la mesure du possible, l’incarcération durant la pandémie devrait être réservée aux délinquants les plus sérieux et/ou pour les infractions les plus graves. Bien que ces décisions soient fortement tributaires des faits propres à chaque dossier, les notions suivantes peuvent alimenter la réflexion :

L'accusé est-il susceptible de recevoir une peine de pénitencier ou une peine de deux ans moins un jour?

Si une peine pénitentiaire s’avère normalement appropriée, l'infraction doit être considérée comme grave.

Le casier judiciaire tend-il à caractériser l'accusé de manière moins grave du point de vue de la sécurité publique? Le casier judiciaire est-il peu pertinent ou comporte-t-il des infractions éloignées dans le temps?

Les antécédents sont-ils liés à la criminalité pour laquelle l'accusé est traduit en justice ? Une criminalité connexe n’implique pas nécessairement le même type de crime mais peut être pertinente pour cause de violence ou d’un mobile de profit évident. Les antécédents peuvent être du même type mais reliés à un contexte différent, tel un trouble de dépendance aux substances, ce qui peut suggérer que l'incarcération ne soit ni nécessaire ni utile durant cette période.

Les infractions sont-elles surtout liées à l'administration de la justice et pourraient conséquemment avoir été traitées différemment à la lumière des nouvelles approches découlant des audiences de renvoi judiciaire prévues à l'art. 523.1 du Code criminel?

Même si les antécédents sont nombreux et reliés, sont-ils généralement moins graves, comme la possession simple ou le trafic de faible niveau, ou sont-ils liés à une consommation abusive de substances?

Les faits indiquent-ils une possession en vue d'un trafic?

Les procureurs doivent s'assurer que les accusations de possession pour fin de trafic sont des cas où les circonstances, y compris la quantité, ne sont pas dictées par une volonté de thésaurisation ou d'autres mesures liées à une personne qui tente de se procurer une quantité de substances réglementées, en particulier les préoccupations concernant les pénuries de fournisseurs sûrs pendant la période pandémique.

L'infraction implique-t-elle de la violence ou d'autres circonstances aggravantes importantes?

Les infractions impliquant de la violence, ou auxquelles sont associées des circonstances aggravantes significatives liées à l'exploitation de positions de confiance, ou présentant des risques pour la santé ou la sécurité des personnes vulnérables, y compris les adolescents, seront, en l'absence de circonstances exceptionnelles, qualifiées de graves.

Il faut examiner s’il est dans l’intérêt public d’incarcérer des personnes dont l’état de santé présente des vulnérabilités particulières vu les risques accrus durant la pandémie. Dans cette perspective, une réduction plus importante de la peine, voire une peine exceptionnelle, telle qu'une condamnation avec sursis, peut s’avérer appropriée.

L'impact de l'incarcération continue de l'accusé sur sa famille en temps de pandémie peut être pris en compte.

Une note au dossier décrivant les facteurs liés au COVID-19 pris en compte lors de décisions touchant la remise en liberté ou le règlement du dossier doit être rédigée afin d’expliquer leur rôle dans l’exercice de la discrétion du poursuivant.

Facteurs propres à la liberté provisoire

Pour les accusés aux antécédents moins sérieux détenus pour des infractions moins graves, il est fortement probable qu'une remise en liberté soit appropriée, comme un engagement personnel ou une caution, avec ou sans dépôt.

Dans la mesure du possible, afin de réduire les contacts inutiles, il convient d'éviter les conditions exigeant de se déplacer ou de se rapporter en personne.

Les procureurs devraient éviter les conditions exigeant une surveillance accrue et/ou une réaction rapide en cas de bris de conditions, dont les bracelets électroniques

Facteurs propres à la de résolution de la peine

Il convient de calculer un crédit majoré pour la détention provisoire depuis le mois de février 2020. La période de détention pendant la pandémie peut à juste titre être prise en compte comme méritant un crédit accru lors du calcul du crédit pour la détention préventive. Ce crédit majoré devrait s'appliquer sans égard à la date du plaidoyer de culpabilité.

Lorsque l'accusé devrait être incarcéré pendant quelques mois pour atteindre le seuil inférieur de la fourchette d'une peine à laquelle il serait normalement soumis suite à un plaidoyer de culpabilité, même avec le crédit majoré pour la détention préventive, le procureur peut, si d'autres circonstances n'exigent pas l'incarcération, accepter une peine équivalente au temps purgé.Note de bas de page 3

Vu l’utilité pour l'administration de la justice de résoudre le plus grand nombre possible de dossiers avant la reprise du fonctionnement normal des tribunaux, les avocats peuvent conclure des accords de résolution qui pourraient normalement être exceptionnels, mais appropriés pour parvenir à une peine juste dans ce contexte particulier.

Pour réduire l'arriéré, les procureurs peuvent résoudre un dossier en acceptant une réduction de peine plus importante qu’en temps normal. Par exemple, si la réduction de peine pour un plaidoyer hâtif est généralement de 25%, en ces circonstances, elle pourrait être majorée par-delà ce niveau. Les grands délinquants et les infractions graves ne devraient pas bénéficier d’une telle largesse, surtout en présence de crime organisé, violence ou de risque à la vie ou à la sécurité.

Il importe pour l'administration de la justice de concentrer les ressources sur les cas où la probabilité raisonnable de condamnation s’avère la plus forte. Par conséquent, les procureurs peuvent décider que, dans la gestion de leurs dossiers, y compris la résolution de dossiers comportant des chefs d'accusation multiples et plusieurs accusés, les chefs d'accusation dont les perspectives de condamnation s’avèrent moindres devraient être retirés ou suspendus afin de régler l'affaire ou de promouvoir une résolution globale du dossier. Les procureurs doivent toutefois se demander si l'intérêt public, notamment l'efficacité de l'administration de la justice et la protection du public, serait le mieux servi par un retrait ou une suspension.

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