3.14 Le témoignage des policiers et des agents d’infiltration

Guide du Service des poursuites pénales du Canada

Ligne directrice du directeur donnée en vertu de l’article 3(3)(c) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales

Le 1 mars 2014

Table des matières

1. Sujet

Dans le contexte des poursuites, c’est le rôle du procureur de décider quels témoins seront appelés, et celui du tribunal d’évaluer la crédibilité et la fiabilité des témoins et de déterminer le poids qui sera accordé à leur témoignage. Cette ligne directrice fournit une orientation quant aux mesures que les procureurs devraient prendre lorsqu’ils apprennent qu’un policierNote de bas de page 1 ou un agent d’infiltration civil (« agent ») pourrait fournir ou a fourni au tribunal un affidavit ou un témoignage (appelés collectivement « témoignage ») non crédible ou peu fiableNote de bas de page 2.

La crédibilité est une question complexe. Le procureur de la Couronne doit tenir compte du fait que tous les témoins, y compris les agents, peuvent avoir eu diverses occasions d’observer un incident et leurs perspectives peuvent être différentes; il est donc possible qu’ils présentent des témoignages contradictoires en toute sincérité.

La fiabilité se rapporte à l’exactitude du témoignage d’un témoin, et peut comprendre l’évaluation de la capacité du témoin d’observer, de se souvenir d’un événement ou de le raconter. Le tribunal peut rejeter le témoignage d’un agent en totalité ou en partie, ou peut tirer une conclusion qui est contradictoire au témoignage du témoin sans nécessairement conclure que le témoin n’a pas dit la vérité lors de son témoignage.

Le procureur de la Couronne ne doit pas oublier qu’il n’est pas le juge des faits et qu’il ne doit pas, par ses décisions, empêcher le juge des faits de tirer des conclusions à propos de la crédibilité ou de la fiabilité des témoins sans motifs convaincants.

Ces lignes directrices reposent sur les principes jurisprudentiels concernant le rôle du procureur de la Couronne, les règles de déontologie s’appliquant aux procureurs et les politiques comprises dans le Guide du SPPC.

2. Avant la présentation d’une déclaration sous serment (affidavit ou témoignage)

Lorsqu’il détermine quels témoins doivent être appelés, le procureur de la Couronne doit respecter les obligations liées à la conduite d’une poursuite. Ces obligations comprennent le fait de s’assurer que les renseignements portant sur la crédibilité ou la fiabilité d’un témoin ont été communiqués à l’accusé. En ce qui a trait aux policiers, ces obligations ont été énoncées par la Cour suprême du Canada dans R c McNeil. Le procureur de la Couronne ne devrait pas faire témoigner une personne, y compris un agent, s’il a des motifs raisonnables de croire, sur la base de renseignements convaincants que, par son témoignage, cette personne induira le tribunal en erreur sur des questions importantes servant à prouver des éléments essentiels de l’infraction et sans lesquels la Couronne ne peut convaincre le juge des faits au-delà de tout doute raisonnable.

3. Au cours du procès

3.1. Éléments de preuve trompeurs ou inexacts donnés par inadvertance sous serment

Lorsque le procureur de la Couronne a des motifs convaincants de croire qu’un agent a livré un témoignage trompeur ou inexact par inadvertance, il doit informer l’avocat de la défense et le tribunal que le ministère public ne se fondera pas sur le témoignage pour prouver le bien-fondé de sa cause. Cela s’applique aux cas où une erreur grave est commise et aux cas de négligence inacceptable.

Le procureur de la Couronne doit porter le témoignage à l’attention de son superviseur ou de son gestionnaire, par écritNote de bas de page 3. Si le gestionnaire est d’avis que la préoccupation est bien fondée, il doit porter ce témoignage à l’attention de l’enquêteur responsable ou de son supérieur, afin d’évaluer de quelle façon une telle situation peut être évitée à l’avenir.

3.2. Éléments de preuve trompeurs ou inexacts donnés intentionnellement sous serment

Lorsqu’un tribunal conclut ou lorsqu’on peut raisonnablement déduire des commentaires du juge qu’un agent a intentionnellement livré un témoignage trompeur ou inexact, le procureur de la Couronne doit le porter par écritNote de bas de page 4 à l’attention de son superviseur ou de son gestionnaire, de façon à ce que l’affaire soit renvoyée au corps de police en vue d’une enquête éventuelle. Si le procureur de la Couronne en vient personnellement à croire, pour des motifs convaincants, qu’un agent a intentionnellement livré un témoignage inexact, il doit le porter à l’attention de son superviseur ou de son gestionnaire, et il doit en aviser la défense et le tribunal. Par exemple, lorsqu’un policier a affirmé au procès, en témoignant au sujet d’une déclaration volontaire, qu’il avait utilisé les mots exacts du défendeur. En fait, le policier a indiqué plus tard qu’il avait restructuré ses notes. Dans cette situation, le procureur doit aviser le chef d’équipe, le procureur fédéral en chef adjoint ou le procureur fédéral en chef ainsi que l’avocat de la défense, et convoquer à nouveau le témoin pour s’expliquer devant le tribunal.

3.3. Discrimination

Lorsqu’un tribunal conclut ou lorsque l’on peut raisonnablement inférer des commentaires judiciaires que des mesures d’enquête avaient été prises par le témoin de la police compte tenu, en tout ou en partie de la race, de l’origine nationale ou ethnique, de la couleur, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle, des associations politiques, des activités ou des croyances de l’accusé ou de toute autre personne prenant part à l’enquête, les procureurs de la Couronne doivent le signaler par écrit à leur superviseur ou à leur gestionnaire afin que l’affaire soit renvoyée aux services de police aux fins d’une enquête éventuelle. Le superviseur ou le gestionnaire peut déterminer qu’il convient d’examiner les autres dossiers dans lesquels il se peut que le témoin de la police prenne part.

3.4. L’évaluation à savoir si le critère pour continuer la poursuite est respecté : probabilité raisonnable de condamnation

Dans tous les cas de déclarations trompeuses ou inexactes faites sous serment, le procureur de la Couronne doit évaluer l’incidence du témoignage sur la fiabilité ou la crédibilité générale du agent et évaluer si le critère de suffisance de preuve pour intenter une poursuite est toujours respecté.

4. Après le procès

Les mêmes mesures doivent être prises lorsque le procureur de la Couronne est informé, par les conclusions du tribunal, que ce dernier est d’avis qu’un agent a livré un témoignage trompeur ou inexact, ou lorsque le procureur de la Couronne a personnellement des motifs convaincants de croire que cela s’est produit.

Dans les cas où le tribunal, dans ses conclusions, reconnaît qu’il n’est pas clair si le témoignage trompeur ou inexact a été donné intentionnellement par opposition aux cas où le tribunal détermine simplement qu’il n’acceptera pas le témoignage de l’agent, le procureur de la Couronne devrait consulter son superviseur et son gestionnaire.

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